VIE DE STE ELISABETH

Biographie

Par Suzanne de La Messelière

Docteur designata en Théologie de l’Université de Fribourg/Suisse,
Docteur en Médecine de la Faculté de Paris,

Auteur de la Thèse : « Sainte-Elisabeth-de-Hongrie, biographie et hagiographie », soutenue en 2007 à l’Université de Fribourg / Suisse.

Naissance & jeunesse

Elisabeth naquit en 1207, vraisemblablement à Sàrospatak, troisième enfant du roi André II de Hongrie (1177-1235), descendant du roi apostolique saint Etienne 1er (975-1038), et de Gertrude d’Andechs-Meran (+1213), fille de Berthold IV, duc de Méranie, qui avait dans ses ancêtres Charlemagne. Elisabeth fut fiancée au fils du landgrave Hermann Ier de Thuringe (+1217), pour des raisons politiques. André II de Hongrie avait fait la croisade, et disposait d’une impressionnante fortune.

En 1211, une députation solennelle alla chercher en Hongrie, à Presbourg, la petite princesse royale Elisabeth, âgée de quatre ans, et l’amena en Thuringe, au château de la Wartbourg, pourvue d’une dot impressionnante. Le landgrave Hermann Ier favorisait les arts et les lettres et aimait s’entourer de poètes. En cette cour brillante, Sophie de Wittelsbach, sa seconde épouse, éleva Elisabeth avec ses propres enfants. Elisabeth, durant ses jeux, dirigeait déjà ses désirs et ses actes vers Dieu et se révélait pour son âge d’une grande charité. L’assassinat de sa mère, en 1213, endeuilla profondément son enfance.

Mariage avec Louis de Thuringe

Après la mort du landgrave Hermann 1er, qui lui avait toujours porté une grande affection, Elisabeth subit les persécutions d’un parti qui voulait la renvoyer dans son pays. Elle avait cessé de représenter une alliance avantageuse, en raison de la désastreuse politique de son père le roi d’André II de Hongrie. Mais le jeune landgrave Louis IV de Thuringe, monté sur le trône à l’âge de 17ans, après le décès de son père le 25 avril 1217, ne se laissa pas influencer.

Un grand amour réciproque unissait Elisabeth à Louis. Le mariage eut lieu en 1221 à l’église Saint-Georges d’Eisenach. Les jeunes époux adoptèrent un style de vie pieux et eurent une vie de famille très heureuse. Elisabeth, tout en se conformant aux devoirs de son état princier, fit preuve d’une inlassable charité envers les pauvres et les malades. Le 28 mars 1222 naquit leur fils aîné, qui règnera peu de temps sous le nom d’Hermann II de Thuringe et mourra en 1241 sans descendance. Le 20 mars 1224, vint au monde leur première fille Sophie, qui épousera plus tard le duc de Brabant et mourra en 1284, après avoir lutté pour obtenir le trône de Hesse pour son fils. Leur troisième enfant, Gertrude, née le 29 septembre 1227, après la mort de son père, fut mise dès son plus jeune âge au monastère prémontré d’Altenberg, dont elle devint abbesse et où elle mourut en 1297. Elle fut déclarée bienheureuse.

Les franciscains s’étant établis en Allemagne, à la fin de 1221, Elisabeth fit venir le frère Rüdiger à la Wartbourg, vers 1223, et le prit comme directeur spirituel. Son amour de la prière, son humilité, trouvèrent un épanouissement dans l’idéal prôné par François d‘Assise. Elle fila la laine avec les servantes, aida les pauvres, soigna les lépreux. En 1226, Maître Conrad de Marbourg, prêtre austère et dur, remplaça le frère Rüdiger auprès d’elle. Elisabeth lui fit vœu d’obéissance. Il lui ordonna de n’user des biens de son époux que si elle peut le faire en bonne conscience, en s’assurant de l’honnêteté de leur provenance, ce qui la mit dans des situations très difficiles vis-à-vis de la cour car ce comportement fut considéré comme une prise de position politique. Le landgrave Louis IV de Thuringe, prince féodal préoccupé de ses intérêts territoriaux, n’en laissa pas moins la plus grande latitude à Elisabeth dans l’obéissance à ce commandement et l’exercice de la charité envers le peuple.

Pendant la famine et l’épidémie de 1226, alors que, appelé par l’empereur Frédéric II d‘Allemagne, Louis IV de Thuringe était parti à la diète de Crémone, Elisabeth installa un hôpital au pieds de la Wartbourg, soigna les malades, recueillit les pauvres, chercha à leur procurer du travail, vendit ses parures, et prit le blé des granges du château pour subvenir à leur besoins. A son retour, Louis invita au silence les conseillers qui reprochèrent à Elisabeth ces prodigalités.

Veuvage et décès

Le landgrave Louis IV de Thuringe accompagna l’empereur d’Allemagne Frédéric II en Croisade et mourut à Brindisi lors de l’épidémie qui sévit alors parmi les croisés, avant de s’embarquer pour la Terre Sainte, laissant Elisabeth veuve à l’âge de 20 ans. Sa détresse en apprenant cette nouvelle montre une fois de plus la profondeur de son amour pour son époux. Louis avait laissé Elisabeth disposer à son gré de sa dot et des revenus du douaire qu’elle tenait de lui. Elle les distribuait en aumônes.

Au décès du landgrave, les membres de la famille héritaient des biens familiaux qui demeuraient indivis, les revenus du douaire étaient donnés à la veuve, mais après la mort de Louis, Henri Raspe, son frère, prit la régence et ne permit plus à Elisabeth de disposer librement de ses revenus. Elisabeth fut chassée de la Wartbourg, en plein hiver. Elle passa la nuit dans une porcherie, et au matin demanda au couvent des franciscains de chanter le Te Deum aux laudes. Elisabeth mena quelques temps une vie précaire à Eisenach avec ses suivantes et ses trois enfants. Elle tissait la laine pour subvenir à leurs besoins.

Ayant appris sa détresse, la tante maternelle d’Elisabeth, Mechtilde, abbesse du couvent des bénédictines de Kitzingen, la confia à son frère Ekbert, évêque de Bamberg, qui, pour la contraindre à se remarier, la relégua au château de Pottenstein, en Haute-Franconie. Elle fut délivrée par le retour des croisés qui ramenaient les ossements de son mari. Louis IV de Thuringe, après une grandiose cérémonie à la cathédrale de Bamberg, sera inhumé dans le couvent bénédictin de Reinhardsbrunn. Elisabeth séjourna quelques temps en Thuringe, puis des arrangements ayant été conclus avec ses beaux-frères, elle obtint la restitution de sa dot et l’usufruit des biens fonciers de Marbourg, où elle se rendit avec Maître Conrad de Marbourg, son directeur spirituel.

Elle fit vœu de renoncer au monde, dans la chapelle des franciscains d’Eisenach, le vendredi saint 1228 et prit, ainsi que ses servantes, l’habit gris des pénitents. Elle distribua tous ses biens aux nécessiteux et fit construire un hôpital dédié à saint François d’Assise. Elle passa ses dernières années dans la plus profonde pauvreté et humilité, Maître Conrad de Marbourg ayant même chassé les dames de compagnie qui vivaient avec elle depuis l’enfance. Elisabeth se dévoua totalement aux pauvres et aux malades et mourut d’épuisement, à l’âge de 24 ans, dans la nuit du 16 au 17 novembre 1231.

Canonisation

Le pape Grégoire IX éleva Elisabeth au rang de sainte le 27 mai 1235 à Pérouse pour son inlassable charité envers les pauvres. La bulle de canonisation Gloriosus in majestate, publiée les 1er et 4 juin 1235, proclama les vertus d’Elisabeth et son immense amour de Dieu. De très nombreux miracles se produisirent, de son vivant et après sa mort. Une imposante église, sous l’impulsion de son beau-frère Conrad de Thuringe, Grand Maître de l’Ordre Teutonique, qui en posa la première pierre le 14 août 1235, fut construite à Marbourg, où ses restes furent solennellement transférés en 1236, lors d’une grandiose cérémonie en présence de l’empereur Frédéric II d’Allemagne.

Ses reliques reposèrent dès lors dans une châsse, exécutée entre 1236 et 1249, en chêne recouvert de plaques d’argent et de cuivre doré. La petite ville de Marbourg devint dès lors un très haut lieu de pèlerinage et la popularité de la sainte, s’étendant à toute l’Europe, draina des foules jusqu’en 1539 où la Réforme y mit fin. Le descendant d’Elisabeth, le landgrave de Hesse Philippe 1er le Magnanime, converti au protestantisme, profana lui-même la châsse et dès lors les ossements de la sainte furent dispersés.

De nombreuses congrégations religieuses, surtout hospitalières, se placèrent sous le patronage de sainte Elisabeth. La mémoire d’Elisabeth fut célébrée par de multiples textes littéraires. Une première biographie fut rédigée dès 1237 par le cistercien Césaire d’Heisterbach d’après les actes du procès de canonisation, puis par Thierry d’Apolda, un dominicain d’Erfurt à la fin du XIIIe siècle. Le poète Rutebeuf composa, entre 1258 et 1270, une Vie de sainte Elysabel.

Les biographies de sainte Elisabeth de Hongrie furent florissantes tout au long des siècles, celle qu’écrivit Charles de Montalembert, et qui parut en 1834, connut un vif succès. Elisabeth inspira également des musiciens tels que Richard Wagner dans son Tannhäuser en 1845 et Franz Liszt lui dédia un oratorio commencé à Weimar en 1857 et terminé à Rome en 1862. Depuis le XIIIe siècle, Elisabeth est la patronne du Tiers Ordre Franciscain. En 1885, le pape Léon XIII l’a proclamée patronne des femmes et des jeunes filles d’Allemagne. Sa fête est fixée au 19 novembre.

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